EcoBeautyScore : un outil potentiellement trompeur ? Plaidoyer.
Tout le monde de la cosmétique professionnelle en parle : l’EcoBeautyScore va être lancé en 2023. Cet outil de scoring des cosmétiques promet d’aider le consommateur à pouvoir évaluer en un clin d’œil l’impact écologique des cosmétiques. L’Association Slow Cosmétique plaide cependant pour qu’on en relativise la pertinence.
Qu’est-ce que l’EcoBeautyScore ?
L’Eco Beauty Score est un système d’évaluation et de notation de l’impact environnemental des produits cosmétiques, développé depuis 2021 par un groupe d’acteurs professionnels de la cosmétique.
Inspiré par le Nutriscore pour les aliments, cet outil a pour but de permettre aux consommateurs de visualiser de façon simple le score écologique d’un produit de beauté ou d’hygiène au moment de l’achat.
Cet outil est en cours de développement. Un prototype est prévu pour le courant 2023. Il émanera du Consortium EcoBeautyScore, qui rassemble toutes les parties ayant souhaité participer à son élaboration. On compte parmi elles Unilever, L’Oréal, LVMH et Henkel. L’outil se veut cependant “indépendant”, puisque vérifié par des parties indépendantes (mais non identifiées à ce jour), et fruit d’un travail de groupe (tous les membres sont censés avoir pu participer à son élaboration).
Parallèlement, il faut noter l’élaboration d’un autre outil similaire : le Green Impact Index, qui émane du Groupe Pierre Fabre et d’autres entreprises de la cosmétique conventionnelle.
Comment fonctionne l’EcoBeautyScore ?
L’objectif du Consortium EcoBeautyScore est de permettre aux consommateurs de faire des choix durables grâce à un système d’évaluation et de notation de l’impact environnemental.
L’EcoBeautyScore sera donc matérialisé par une note, un score, sur les produits. La notation finale d’un produit sera calculée selon une méthode normée, développée actuellement par les membres du Consortium EcoBeautyScore.
Cette méthode se veut scientifique. On n’en connaît pas encore les détails à ce jour, mais bien les contours méthodologiques :
Le Consortium EcoBeautyScore travaille avec le cabinet de conseil Quantis pour garantir une approche scientifique afin de co-construire une méthodologie d’évaluation et un système de notation. Sur le plan opérationnel, le Consortium EcoBeautyScore est également soutenu par Capgemini Invent (gestion de projet) et Mayer Brown (conseil juridique).
La méthode de mesure des impacts environnementaux tout au long du cycle de vie des produits sera commune. Elle se basera sur les principes du « Product Environmental Footprint », un ensemble de principes de l’Union européenne basée sur l’analyse du cycle de vie des produits.
Concernant l’impact environnemental des ingrédients standards et des matières premières utilisées dans les formules et les emballages, ainsi que lors de l’utilisation des produits, l’outil devra se baser sur une base de données commune.
L’outil final sera commun à tous et devra être utilisable par des non-experts.
Le système de notation harmonisé devra permettre aux entreprises, sur une base volontaire, d’informer les consommateurs sur l’empreinte environnementale de leurs produits cosmétiques.
Que penser de l’EcoBeautyScore ?
Il est difficile de juger l’EcoBeautyScore tant qu’il n’est pas encore opérationnel sur le marché, ni détaillé quant à sa méthodologie concrète. Cependant, on peut d’emblée se poser des questions sur les enjeux particuliers du projet…
Premièrement, la question de l’indépendance et de la neutralité de l’outil se pose. L’EcoBeautyScore émane d’abord et avant tout d’entreprises leaders de la cosmétique conventionnelle. Celle-ci est fortement critiquée depuis plus de 10 ans sur l’impact écologique et sanitaire de ses formules. Il est compréhensible qu’elle veuille donc répondre à la critique en démontrant que ses produits ne sont pas si dommageables pour l’environnement qu’on pourrait le penser. Cependant, il sera difficile d’être certain qu’aucun parti pris relatif à certains ingrédients pétrochimiques ou plastiques (les silicones compris) n’aura influencé le développement de l’outil.
Deuxièmement, la question de l’objectif réel de l’outil peut être posée. Vouloir à travers cet outil mieux informer les consommateurs et les aider à choisir est très appréciable, mais qu’en est-il vraiment ? N’est-on pas là devant un outil développé avant tout pour répondre à la critique constante (et justifiée en partie) sur les produits conventionnels ? L’EcoBeautyScore n’a-t-il pas pour but premier de récupérer des parts de marché là où justement elles se perdent au profit de la cosmétique naturelle et bio depuis trop longtemps ?
L’Association Slow Cosmétique plaide pour relativiser l’EcoBeautyScore
L’Association Slow Cosmétique observe le développement de l’EcoBeautyScore depuis janvier 2022. Contrairement aux associations Cosmebio et Natrue, l’Association Slow Cosmétique a pris le parti de ne pas demander à être membre. Pourquoi ? Plusieurs raisons à cela.
1° L’Association Slow Cosmétique ne croit pas à la teneur du projet
Il est évident que l’EcoBeautyScore est la réponse de la cosmétique conventionnelle face à l’essor de la cosmétique naturelle et de la clean beauty.
Le point problématique, c’est que l’outil est développé par les acteurs de la cosmétique conventionnelle eux-mêmes ! De fait, les membres du Consortium sont en écrasante majorité des groupes qui développent des marques de cosmétiques truffées d’ingrédients pétrochimiques, synthétiques, plastiques, certes tout à fait réglementaires mais très souvent polémiques pour l’environnement ou la santé et ce par nature (il n’est pas nécessaire de développer un outil scientifique pour savoir que la plupart des polymères plastiques sont peu ou pas biodégradables, ou que l’huile de palme et ses dérivés ne sont pas neutres pour l’environnement).
Il y a également fort à parier que le score de certains ingrédients (silicones, certains parabens ou phenoxyethanol) sera bien meilleur que ce que les ONG comme l’Association Slow Cosmétique, en tant que parties militantes, ont l’habitude d’en dire.
Enfin, l’utilisation et l’affichage de ce score n’aura rien d’obligatoire, le projet tel qu’explicité par L’Oréal précisant bien l’aspect « strictement volontaire » de cet outil. Ainsi, il ne sera utilisé QUE par les marques qui le souhaiteront, et vraisemblablement uniquement sur les produits/gammes qui les arrangent, passant ainsi sous le radar leurs gammes moins « green ». L’outil se positionne donc plutôt comme un nouveau vecteur de greenwashing que comme un support de révolution du monde de la beauté…
2° L’Association Slow Cosmétique pense que les labels doivent suffire aux consommateurs
Les consommateurs n’ont pas vraiment besoin d’un scoring de plus ! Dès le début des années 2000, les labels bio (Cosmos standard, Natrue, etc.) ont acquis une légitimité méritée sur le plan des formules cosmétiques écologiques, du fait de la rigueur et de la transparence de leurs cahiers de charge.
Depuis 2013, le label Slow Cosmétiquecomplète l’éventail de garanties consommateurs en labellisant les marques après examen indépendant sur une large palette de critères qui incluent non seulement les formules et les packs mais aussi leur marketing. Même le modèle d’entreprise, l’approvisionnement et toutes les allégations sont examinées. Enfin, l’Ecolabel Européen vient d’être remis à jour et constitue également un repère de consommation tout à fait utile en matière d’écologie et d’impact environnemental.
Le public connaît relativement bien ces repères de qualité et s’y fie pour ses achats hygiène-beauté : en 2022, 92% des Françaises de 18 à 50 ans achetaient des cosmétiques naturels ou bio au moins une fois par an, et 88% considéraient le label Slow Cosmétique comme gage de confiance (étude Harris Interactive-Toluna, février 2022).
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