Le vrai prix des cosmétiques : décryptage marketing
Savez-vous vraiment ce qui se cache derrière le prix de vos cosmétiques de luxe ? Pour décrypter les mécanismes du marketing beauté, l’Association Slow Cosmétique vous guide !
Face à la diversité parfois étourdissante qu’offre le marché des produits de beauté, difficile de savoir si on achète vraiment de la qualité. Pensez-vous qu’un prix élevé rime nécessairement avec qualité ? ou avec luxe ? Comment savoir si vous payez un produit exceptionnel ou juste un bel emballage et une égérie célèbre ? Décryptage.
De quoi se compose le prix d’un produit cosmétique ?
Avant d’arriver dans les rayons, le produit que vous convoitez a été imaginé, calculé, développé puis produit par les équipes de la marque. Une multitude d’étapes qui répondent à une stratégie définie par l’entreprise.
Dans un premier temps, il est important de comprendre ce qui constitue le coût de revient réel du produit, c’est-à-dire ce qu’il coûte réellement à l’entreprise qui le fabrique. Alors, que retrouve-t-on dans ce poste de dépense ?
Le coût de la formule
Ici, on retrouve notamment les coûts des matières premières/ingrédients sélectionnés par la marque, mais aussi les coûts de formulation et de fabrication du jus (jus désigne le produit, la crème, le lait, le gel en lui même). Les coûts liés aux tests réglementaires également.
En tant que consommateur, on a tendance à penser, et à raison, que le prix du produit est directement corrélé au coût de sa formule et donc, implicitement, à sa qualité. Or ce n’est pas toujours le cas, comme on le verra plus loin.
Le coût d’emballage
Il s’agit de tous les postes de dépense liés au packaging choisi par la marque. Le produit est-il présenté en pot, en tube, dans un flacon ? le matériau choisi est-il du verre, du plastique, du carton ? Est-il vendu en vrac ou sous étui ? etc. Chaque option a son coût et impactera aussi le transport et le stockage des produits ensuite.
Le coût de production
Il s’agit des coûts d’industrialisation liés à la main d’œuvre et à la machine utilisée pour produire le cosmétique, ainsi que les coûts de conditionnement.
Les frais d’investissement
Il y en a beaucoup, et de plusieurs types. D’abord, les frais réglementaires : chaque produit doit être accompagné d’un dossier réglementaire avec rapport toxicologique et autres tests. Ce dossier (DIP) a un coût. Ensuite, la Recherche & Développement (R&D) : il s’agit des coûts de formulation, création de celle-ci ou d’ingrédients pour celle-ci, etc. Enfin, les frais d’investissement peuvent aussi avoir trait à l’industrialisation du produit (nouvel outil, machine, etc).
Autres coûts
Outre les 4 grands postes de dépense liés au produit, il faut également prendre en compte les frais incompressibles pour une entreprise, que sont les coûts humains, les charges fixes et variables liées à l’entreprise, les coûts de transport et les éventuels frais commerciaux.
Focus sur les coûts de marketing (publicité et image)
Enfin, un dernier levier important est à considérer : ce sont les frais d’image, de communication et de publicité. Et c’est souvent là que le bât blesse chez les cosmétiques de luxe. Car en vérité, ils ne coûtent pas tellement plus chers en production, formulation, et autres postes que les produits cosmétiques moyens, mais ils sont portés par de gros investissements en publicité et communication.
Les frais de publicité et de communication sont liés aux investissements réalisés par l’entreprise pour faire connaître la marque ou le produit. Ils peuvent être plus ou moins importants selon la notoriété de l’entreprise, le canal de communication choisi (presse, télévision…), le choix d’investir dans une égérie connue ou non… Il faut savoir que le partenariat avec une égérie peut coûter plusieurs millions d’euros à une marque. Et ces coûts sont bien sûr répercutés eux-aussi dans le prix de vente final.
Marge du distributeur et marge du fabricant
Tous les coûts varient d’une marque à l’autre, et le positionnement choisi par l’entreprise y est pour beaucoup : premium, haut de gamme, milieu de gamme ou entrée de gamme. Mais la marge du distributeur est presque toujours la même. En effet, en cosmétique on dit souvent qu’on fait du “fois deux”. Un distributeur aura le plus souvent une marge qui varie de 35 à 55 % environ selon les canaux et les produits. Ainsi, un produit cosmétique vendu 50 € en magasin bio a été acheté 25 € environ par celui qui vous le revend. Idem pour un parfum en parfumerie classique. Cet écart de l’ordre de 50% entre le prix d’achat du produit et le prix de revente auquel le consommateur l’achète, c’est la marge du revendeur.
Mais à elle s’ajoute la marge du fabricant. Cette marge est très variable. Pour décrire grossièrement, on peut dire qu’elle est souvent faible pour les produits simples ou naturels (20%, 30%) mais elle est souvent très élevée pour les produits complexes ou plus rares (50% à 100% et plus). La marge du fabricant, c’est le niveau de rentabilité que l’entreprise considère intéressante pour sa marque / son produit.
On peut donc facilement imaginer à quel point les marques dites “de luxe” jouent sur cette marge et le flou que cela peut engendrer pour le consommateur.
Cosmétiques de luxe : le prix est-il justifié ?
La réponse du mouvement Slow Cosmétique est “plutôt non”, sauf si vous êtes d’accord de payer un coût important pour l’image véhiculée, ou perçue, du produit ou de sa marque.
Lorsqu’on achète une crème positionnée sur le segment premium ou luxe, on s’attend à ce que la formule soit qualitative, efficace, qu’elle en “vaille le coup”. Mais qu’en est-il réellement ?
Très souvent, les grands groupes de cosmétique investissent beaucoup de temps et de ressources en Recherche et Développement et dans l’innovation. Parfois, plusieurs années de recherche sont nécessaires afin d’isoler des molécules actives ou pour élaborer des textures à la sensorialité innovante. C’est aussi cela que recherche la consommatrice de produits de luxe : la rareté, l’exclusivité. Et les marques l’ont bien compris.
Pour autant, ces actifs précieux sont très souvent présents en faible quantité dans la formule et mélangés à de nombreux additifs et ingrédients inertes qui n’apportent rien de particulier à la peau. En outre, ils changent rarement significativement l’effet du produit. Ils peuvent l’améliorer, certes, mais ne brisent pas la norme du marché. Voilà pourquoi il arrive que des crèmes de supermarché rivalisent avec des crèmes de luxe dans les tests d’efficacité à l’aveugle menés par des assos de consommateurs.
Enfin, il faut comprendre qu’un produit cosmétique, qu’il soit issu d’une maison de luxe ou pas, est toujours formulé de la même façon, en utilisant des ingrédients de base communs (eau, corps gras, émulsifiants, conservateurs…) Alors, les cosmétiques de luxe sont-ils vraiment plus efficaces ?
Décryptage express : quel luxe dans les ingrédients ?
Prenons l’exemple d’une crème de luxe nommée “White Caviar Crème Extraordinaire”, vendue plus de 600€ le pot de 60ml, et voyons si sa formule est aussi noble que son prix le laisse espérer.
un silicone, ingrédient venant produire un effet lissant par occlusion de la peau.
Dans les premiers ingrédients de cette formule, soit les plus fortement présents, on ne trouve donc aucun ingrédient actif, et encore moins d’extrait de caviar. Cet actif star est bien là, mais relégué en 17e position dans la liste INCI, donc nécessairement en proportion infime.
De quoi rester perplexe quant au prix et aux promesses marketing qui accompagnent le produit… Alors, sur quels leviers s’appuient les marques de luxe pour nous vendre au prix fort des formules qui semblent finalement bien souvent décevantes ?
Les 6 leviers marketing au secours de la beauté “luxe”
Pour se démarquer et surtout justifier le prix de leurs produits, les marques de luxe misent sur la création d’émotions auprès de la cliente. Comment ? en la faisant rêver, en instillant chez elle un sentiment de valorisation et de privilège. Et c’est là que le marketing va venir jouer son rôle en s’appuyant sur différents leviers.
1- Le storytelling
C’est l’histoire que se crée la marque, fictive ou non. Généralement, les maisons de luxe évoluent dans un univers qu’elles souhaitent exceptionnel pour leur cible. En créant un sentiment d’envie et d’appartenance, la marque crée un lien avec son consommateur qui s’identifie au produit.
2- Le rêve, l’exception
Il est présenté par le biais d’une dénomination produit faisant appel à des superlatifs valorisants : ”merveilleux“, “extraordinaire”, “miraculeux”, “précieux”…
3- La rareté
Une formulation à base d’actifs réputés pour leur rareté ou leur caractère raffiné : or, caviar diamant, ou faisant appel à une perception d’exclusivité “à l’huile rare de figue de barbarie”, “au complexe breveté de xxx”, “à l’orchidée impériale”…
4- Des packagings raffinés
Très travaillés, sophistiqués, les packs du segment “luxe” donnent l’impression au consommateur qu’il achète un produit d’exception. On retrouve des flacons réalisés sur mesure, des designs luxueux, des gravures à même le verre ou encore des effets de type dorures, holographie, embossage, des packagings lourds en main, un suremballage…
5-Un prix élevé
Cela réveille cette fameuse notion de privilège chez la cible : si j’ai les moyens de m’offrir ce produit, je considère que quelque part, “je vaux plus”, je le mérite. Plus le produit sera cher et plus le consommateur aura le sentiment d’avoir accès à quelque chose d’unique.
6- Des égéries célèbres et des codes graphiques bien identifiés
Les campagnes de communication font appel à des égéries connues ou mettent en scène le produit comme s’il était dans un écrin, précieux, presque inaccessible. Ces campagnes font également appel à des palettes de couleur catégorisées “luxe” : l’or, l’argent, le pourpre, le bleu marine, ou encore le noir et blanc. Un univers glamour, de classe et de pureté.
Acheter une marque de luxe, c’est donc SURTOUT acheter une image, un univers, une émotion.
Qu’est-ce que le “vrai” luxe ?
Le luxe et le plaisir restent des notions subjectives. Pour certains, la qualité passera par l’image, le fait de posséder un objet raffiné, ou même de s’identifier à une histoire ou une égérie. Leur luxe, c’est le rêve et l’image qu’ils projettent à l’extérieur.
La Charte et le Label Slow Cosmétique considèrent que le véritable luxe passe par le choix des ingrédients les plus nobles et les savoir-faire artisanaux requis. Un produit cosmétique de qualité au regard de la Slow Cosmétique est un produit contenant une majorité d’ingrédients nobles issus du végétal ou du minéral, qui soient actifs et naturels, et écologiques. Ces ingrédients respectent aussi bien la santé de notre peau que celle de l’environnement.
“Vrai luxe = noblesse de la formule ? Au rayon alimentaire, c’est déjà le cas. Un beau jambon Pata Negra vaut bien plus qu’un jambon industriel reconstitué et plein de sulfites. Mais au rayon cosmétique, c’est une notion encore absente. La plupart des cosmétiques de luxe contiennent une majorité d’ingrédients pétrochimiques ou synthétiques, le plus souvent inertes. Leur marketing est pourtant léché et transpire le luxe, mais ce qu’il y a dans le flacon n’est pas raccord.”
Julien KAIBECK, fondateur de la Slow Cosmétique
Et l’humain dans tout ça ?
L’humain aime se flageller, surtout par les temps qui courent. Pourtant, il a un talent fou pour travailler les matières naturelles avec délicatesse et respect, s’il le veut. C’est ce que font les marques labellisées Slow Cosmétique. En pérennisant des méthodes traditionnelles comme la saponification à froid, la macération, ou la distillation à la vapeur. En innovant aussi : comme avec l’aroma-parfumerie ou la cosmétique solide. Tout cela en veillant à une rémunération juste des acteurs de la production, afin que le prix du produit soit équitable à tout point de vue.
En bref, le luxe selon la Slow Cosmétique se veut à la fois justifié et juste pour tous, une vision à la fois humaine et durable qui pourrait bien correspondre davantage aux attentes des consommateurs des années 2020 que les générations précédentes…
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